1 mars 1999

L’ARISTOS



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L’ARISTOS
Il y a quelques mois dans une revue de jeunes paraissait cette étude. Bien que nous n’adhérions pas totalement au nouvel humanisme qu’elle exalte nous tenons cependant à vous la présenter.
Car l’idéal qui s’y exprime mérite d’être connu, étudié et surtout compris....

L’Aristos est un type d’homme. Le type le plus parfait qu’on puisse concevoir.
Il est le héros et le saint à la mesure des temps qui viennent.
On naît Aristos. C’est un privilège qui n’échoit pas à tout le monde, mais qui pourtant n’est lié ni au rang social, ni à la richesse matérielle.
On trouve des Aristos partout. Ils sont les gardiens des précieux talents légués par leurs Pères ou reçus de leur entourage. Ils peuvent les faire fructifier à force de labeur ou les laisser rouiller par paresse.
Vous qui êtes appelés, songez-y.
L’Aristos est différent des hommes.
Il surprend par son équilibre solide et par la tranquille sérénité qui rayonne de lui. Vis-à-vis de la vie, il a une attitude pleine d’assurance : il l’affronte gravement tout en restant joyeux et pur comme un enfant.
Il possède le sens de la grandeur.
Il est sobre et sait se détacher de beaucoup de choses.
Il est énergique, courtois et correct.
Moine, soldat, artiste.
Quel est son secret?
D’abord il aime l’ordre. L’ordre dans la vie et dans l’esprit.
Chaque chose chez lui trouve parfaitement sa place.
Il ne cherche pas. Il n’hésite pas. Il ne perd jamais la tête.
Il ose et entreprend.
Chacun de ses actes, même le plus humble, a pour lui un sens et une valeur, parce que ses actes sont dirigés vers un but: un but qui absorbe toutes ses énergies.
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L’Aristos croit en DIEU.
Pour lui, Dieu est, dans le sens entier du mot :
"Son SEIGNEUR. La plus haute Noblesse.
La Beauté parfaite. L’absolue Bonté et Vérité.
Il est l’origine et le terme de sa vie.
Grâce à Lui, il a le droit de naître, de combattre, de mourir et puis d’entrer dans l’éternité.
C’est pourquoi il ne vit que "ad majorem Dei gloriam", pour la plus grande gloire de Dieu, comme le grand Aristos qu’était Ignace de Loyola.
A peine a-t-il fait cet acte de foi qu’il entre tout armé dans le féerique royaume du réel.
Sa saine et sincère intelligence le met sur la voie d’un grand nombre de simples vérités dont il se réjouit comme si elles étaient de réelles découvertes. A partir de ce jour, il voit la relativité des choses, non par leur inutilité, ni leur manque de valeur, mais leur valeur hiérarchique et la place que chacune doit prendre dans le grand Tout de la création.
Il ne peut être matérialiste, car il est placé au-dessus de la matière.
Il voit les choses telles qu’elles sont.
Il leur donne la place que la Nature... Dieu donc... leur a donné.
Ainsi il découvre d’abord qu’il est HOMME.
Qu’il a une place dans cette création : une place d’honneur.
Qu’il est le Roi, le ROI DE LA CREATION, et qu’il l’est parce qu’il vit et pense.
Et il découvre que tout est subordonné à son esprit.
Et à ce moment seulement il jouit pleinement de tout ce dont il est entouré : la Nature... les oiseaux... les nuages, la lune entre les arbres... l’eau, le sol de son village natal... les livres et la musique.
Car il sait que tout cela lui est destiné...
Il connaît dès lors et sa valeur et sa dignité.
Il a posé la base de sa conscience aristocratique, de son indépendance et de son intangibilité.
Car il est HOMME.
Mais il ne voit pas seulement les CHOSES autour de lui.
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Il voit aussi des Hommes.
Et dans son aristocratique loyauté il voit dans les autres... l’HOMME, le roi de la création, son semblable !
L’humble mendiant du coin, la plus pure image de la misère humaine, devient pour lui : "son" prochain, car le mendiant est HOMME aussi et doit retourner vers Dieu.
Et voici qu’infailliblement ‑ car il l’a dans le sang ‑ se réveille sa nature aristocratique. Il découvre son DEVOIR, sa MISSION parmi les Hommes.
Intérieurement il sentait déjà cette vocation quand il était jeune, mais il se taisait.
Il a pris le temps d’apprécier les Hommes et de les juger à leur juste valeur.
Il a appris à les connaître et les connaissant, à les aimer et parce qu’il les aime, à considérer comme un honneur de leur venir en aide.
Désormais, il n’hésite plus un instant à remercier celui à qui il a pu rendre service, simplement parce qu’il lui a donné l’occasion de rendre service.
Car dans le plus profond de son âme, il ne désire plus qu’une chose: devenir parfaitement Homme et s’entraîner à atteindre son but éternel.
En lui grandit aussi un respect illimité pour les autres.
Surtout pour le faible et le malheureux, et aussi pour la Femme, qui est pour lui le symbole de toute beauté et de toute pureté.
Mais le respect ne croît pas seul, il y a aussi la fierté et le dédain pour tout ce qui dégrade l’Homme et le détourne de sa grandiose mission.
L’Aristos poursuit sa pensée... son horizon s’élargit.
Comment va-t-il remplir sa mission ?
Il voit que les Hommes sont organisés par la nature :
en Familles
en Peuples
Il voit que tout est réglé et qu’il existe un ordre naturel des choses et des institutions naturelles, INDISPENSABLES à qui veut atteindre l’épanouissement total de son bien éternel : DIEU ; indispensables aussi à qui veut accomplir sa mission en ce monde.
Sans famille ou sans famille saine,
Sans nation, ou sans nation saine,
Que de désordre,
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Que d’énergie perdue !
L’atmosphère est viciée, et tout effort vers la Grandeur, la Beauté et la Vérité étouffé dans l’oeuf.
A présent il connaît son devoir, il connaît le terrain, il connaît aussi la voie.
La sauvegarde de la famille ? donc d’abord SA famille et PAR ELLE, les autres.
La sauvegarde des peuples ? donc d’abord SON peuple et, PAR LUI, les autres.
Pour l’Aristos, la famille se prolonge au plus profond des temps.
Elle n’existe pas seulement par les vivants, mais aussi par les morts et tous ceux qui dans la suite des siècles naîtront et porteront son nom.
Tant de générations l’ont précédé, et tant d’autres ‑ se dit-il ‑ le suivront.
Que de richesses spirituelles il a héritées de ses ancêtres !
Qu’en a-t-il conservé ?
Qu’en a-t-il à transmettre à ses successeurs ?
Comment ne pas admirer et respecter pareille institution ou perdre conscience de ses responsabilités envers elle ?
Dès lors il ne lui reste qu’à travailler, à se former, à se sacrifier pour que règne dans sa famille cet esprit idéal qui permettra à chacun de ses membres de se développer complètement. Car sa famille a également une mission propre. Elle doit être un modèle.
Son PEUPLE, lui aussi, plonge ses racines au plus profond de l’histoire et du temps.
Comme il connaît l’histoire de sa race, il connaît aussi celle de son peuple.
Ce peuple, il sait qu’il existe depuis l’époque lointaine où, pour la première fois, des hommes ont peuplé les "bas pays aux bords de la mer". Il connaît les défauts et les qualités de ce peuple et les dangers qui le menacent.
Et il sait que la mission de son peuple a toujours été : D’ETRE LE GUIDE SPIRITUEL DU MONDE.
Ainsi vit-il dans la compagnie de tous les hommes qui l’ont précédé et plus que jamais de tous ceux qui le suivront et de ceux qui l’entourent et l’aident à vivre.
Chaque morceau de pain qu’il mange lui est acquis par le travail de la foule innombrable des hommes qui prennent chacun leur place dans cette vaste société que forme un peuple. Lui aussi y a sa place. Il le sait. Il est privilégié. Il doit être un GUIDE.
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Ainsi l’Aristos revient à lui-même lorsqu’il recherche les MOYENS d’accomplir cette tâche.
Il sait qu’il a un corps et un esprit : ‑ il sait penser, vouloir, sentir ‑ il est un tout organique, indivisible et dans lequel plus qu’ailleurs doit régner l’ordre.
Le corps y est au service de l’esprit. L’esprit sera d’autant plus libre que le corps sera plus dispos.
C’est pourquoi il exerce son corps le mieux possible en l’endurcissant, en l’éduquant et en prenant soin de lui. Il veille à ce que son développement soit harmonieux et ne le détourne pas d’une soumission entière à l’esprit.
Car en lui, tout est soumis à l’esprit, et dans son esprit, à l’intelligence, c’est à dire à la pensée efficace.
L’Aristos pense efficacement, c’est-à-dire systématiquement, ni trop ni trop peu. Jamais i1 n’entreprend quelque chose qu’il ne peut entièrement justifier. "Un animal n’agit pas contre son instinct, pourquoi un homme agirait-il contre son intelligence ?"
Ensuite il y a sa volonté, arme splendide qu’il mettra des années à forger et à rendre exactement conforme à ses fins.
Cette volonté doit être inflexible et réagir instinctivement sans une ombre d’hésitation et sans crainte des conséquences, uniquement préoccupée du but. Aussi ne doit il laisser passer aucune occasion de l’exercer et de l’endurcir.
Et la dernière arme : sa sensibilité.
Il en connaît la valeur comme stimulant de l’action. Il s’efforce de dominer et de canaliser ses émotions afin qu’elles ne l’empêchent pas d’accomplir son devoir, mais qu’elles l’entraînent sur le long chemin qu’il s’est tracé.
Puis il passe à l’action.
Et le combat qu’il livre est un combat pour la liberté, la liberté de faire ce qu’en conscience il estime devoir faire, et cela malgré les autres et surtout malgré lui-même.
C’est une lutte sans trêve ni repos, mais dont il sort marqué d’un cachet indélébile : la noblesse de l’homme libre, de l’Aristos.
La première vertu de l’Aristos est : la dignité qui s’exprime avant tout dans son sens de l’honneur. "Mon honneur vaut plus que ma vie", dit-il, et par honneur il entend l’image qu’il a rêvée de lui-même et qu’il ne veut à aucun prix trahir. Cette dignité s’exprime aussi dans sa loyauté.
Il possède un mépris inné de ce qui est faux.
Rien ne l’offense plus que l’emploi des mots dont on ne comprend pas le sens ou que l’on emploie mal à propos. Pour lui tout cela est déshonorant
Il ne ment pas et il est avec tous tel qu’il est vraiment.
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Cette dignité lui donne aussi son sérieux, sa finesse et son sens de la grandeur et de l’honnêteté.
Il éprouve comme une humiliation devant le travail mal fait ou la mesquinerie.
Sa seconde vertu est : l’esprit d’abnégation. Il est indifférent à l’argent, insensible aux honneurs, inaccessible à la crainte.
Il est soldat dans l’âme.
Il a des habitudes militaires. Il préfère rester debout qu’assis.
Il est sobre, sobre dans sa tenue, sa nourriture et ses habitudes de vie.
Il a horreur de tout ce qui est superflu.
Rien de trop, pas même un mouvement.
Habitué à être dur pour lui-même, il est à même de se donner tout entier à sa mission et même de se sacrifier pour elle, lorsqu’elle le réclame.
Sa troisième vertu est la courtoisie.
Autant il est dur pour lui-même, autant il est patient et aimable pour les autres.
Il est simple, mais d’une simplicité qui n’exclut pas la courtoisie ni la gentillesse. Rien ne lui est plus agréable que de remonter le moral d’autrui.
Il est plein de tact et de correction.
Car pour lui, donner c’est recevoir. Il donne un peu de lui-même et en échange, il acquiert la connaissance des hommes.
Il aime la joie et le rire.
A travers bien des vicissitudes, il tend lentement mais sûrement à réaliser en soi une synthèse vivante de ce qu’ont apporté à son peuple vingt siècles de civilisation chrétienne occidentale.
Mais inévitablement vient l’instant où il s’aperçoit qu’il est isolé.
Il apprend à se taire et dans sa solitude il perçoit plus distinctement que jamais l’ordre impérieux : "Vivre pour servir ; pour servir : être ; pour être : devenir".
Il connaît alors le repos et la joie sereine d’une puissante vie intérieure.
Elle rayonne de toute son attitude.
La plupart des hommes ne le comprennent plus, mais tous, instinctivement l’imitent.
Moine, Soldat, Aristos.
(TRADUIT DU NEERLANDAIS)