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FLAMMES
(extrait de
«LA SAGA DU RENOUVEAU»)
Camarade
penché sur le bûcher, l’éclair jaillit de tes mains et accroche à tes lèvres le
sourire du premier homme qui vola le feu au soleil. C’est le même orgueil et la
même joie.
La même
force ‑ invincible.
La flamme unit
la paille que tu as séparée du blé aux branches que tu as coupées au chêne et
au bouleau ‑ dans un même bond.
Chaque
sursaut du feu arrache des lambeaux de ciel. Dans ce combat avec les ténèbres,
la danse des flammes devient une danse de guerre et se dispute sur nos visages
comme tout à l’heure, sur la route, le vent et le soleil.
Et chacun
d’entre nous revêt un masque différent, aussi pur et aussi mystérieux que celui
de l’athlète de pierre qui veille sur le stade.
Notre
cercle est serré, sans une fissure, et pourtant nous sentons le souffle du vent
froid qui fait hurler et bondir les flammes. Il s’engouffre par toutes les
brèches qu’ont laissé dans notre mur les camarades qui ne reviendront plus et
sont maintenant assis autour du feu où brûlent les âmes des héros.
C’est pour
eux que nous chantons, et nos voix montent à travers les branches comme le long
des colonnes d’un temple interminable.
Il ne reste
que des tisons au milieu de la clairière.
Et, dans
les yeux de chacun de nous, une toute petite lueur brillante ‑ minuscule image
du brasier.
Alors nous
levons la tête au cœur du jour nouveau et nous comptons ‑ une à une ‑ les
étoiles.